
Les secteurs de la joaillerie et de l’horlogerie, bien que liés dans l’univers du luxe, suivent des trajectoires distinctes. En 2024, la joaillerie a confirmé sa domination en termes de performances économiques, tandis que l’horlogerie a connu des défis importants, notamment en Asie, malgré des segments spécifiques qui restent dynamiques. Cette divergence n’est pas le fruit du hasard, mais résulte de facteurs structurels, stratégiques et culturels propres à chaque industrie.
Les résultats financiers du groupe Richemont illustrent parfaitement cette tendance. Pour le troisième trimestre de son exercice fiscal 2025, clos le 31 décembre 2024, Richemont a enregistré un chiffre d’affaires total de 6,15 milliards d’euros, soit une augmentation de 10 % par rapport à l’année précédente. Cette croissance a été largement portée par sa division joaillerie, qui inclut des marques phares comme Cartier et Van Cleef & Arpels. La division joaillerie a vu ses ventes progresser de 14 %, atteignant 4,5 milliards d’euros, ce qui représente la majorité des revenus du groupe. En revanche, les ventes de montres, via des maisons comme Jaeger-LeCoultre et IWC, ont reculé de 8 %, selon les rapports officiels de Richemont.

En Asie, région historiquement cruciale pour le luxe, les ventes horlogères ont reculé de 17 % pour Richemont au premier semestre, affectées par une consommation en baisse en Chine et à Hong Kong. À l’inverse, les ventes de bijoux en or ont montré une meilleure résilience, augmentant de 9 % dans la région, selon le World Gold Council. Les bijoux, souvent associés à des traditions culturelles en Asie, conservent une place centrale dans les habitudes de consommation, en particulier lors des mariages et des célébrations.
L’un des principaux moteurs de la surperformance de la joaillerie réside dans son attrait universel et émotionnel. Contrairement aux montres mécaniques, qui s’adressent souvent à une niche passionnée et majoritairement masculine, les bijoux séduisent un public plus large. Ils incarnent des valeurs d’amour, de patrimoine et de symbolisme, qui leur confèrent une place unique dans le luxe. Les collections emblématiques comme Love de Cartier ou Alhambra de Van Cleef & Arpels continuent de captiver les consommateurs à travers le monde. En 2024, Cartier a enregistré une augmentation de 10 % des ventes de sa collection Love aux États-Unis, renforçant son statut d’icône intemporelle.

Le marketing joue un rôle essentiel dans la réussite de la joaillerie. Cartier s’est particulièrement distingué avec son film publicitaire L’Odyssée de Cartier, une création immersive célébrant l’héritage et la créativité de la maison. Lancé en 2012, ce film a marqué les esprits, générant plusieurs millions de vues sur YouTube et renforçant le lien émotionnel entre la marque et ses consommateurs. Cette approche met en avant l’histoire et l’exclusivité de la maison, captivant un public mondial. De son côté, Van Cleef & Arpels mise sur des récits poétiques, en mettant en avant des collections inspirées de la nature et des contes de fées. Cette approche, centrée sur l’émotion et la narration, différencie les bijoux comme des objets chargés de sens, bien au-delà de leur valeur matérielle.
En parallèle, la joaillerie bénéficie d’un autre atout majeur : sa perception comme investissement. En période d’incertitude économique, les bijoux en matériaux précieux comme l’or et les diamants sont souvent considérés comme des actifs sécurisés. En 2024, la demande en or pour la joaillerie a atteint 2 200 tonnes, en hausse de 9 % par rapport à l’année précédente, selon le World Gold Council. Cette tendance souligne l’attrait des bijoux non seulement pour leur esthétique, mais aussi pour leur valeur patrimoniale.
À l’inverse, l’horlogerie fait face à plusieurs défis spécifiques. La montée des montres connectées, dominées par des acteurs comme Apple et Garmin, a profondément transformé le marché. En 2024, les ventes de l’Apple Watch ont augmenté de 9 %, atteignant 53 millions d’unités dans le monde. Cette popularité a réduit l’intérêt pour les montres de milieu de gamme, obligeant les marques horlogères à se repositionner vers le luxe ou à innover pour séduire les jeunes générations. De plus, le marché des montres mécaniques reste limité par une clientèle majoritairement masculine. Une étude de McKinsey a révélé que

70 % des acheteurs de montres mécaniques sont des hommes, ce qui restreint leur potentiel de croissance par rapport à la joaillerie, qui séduit autant les femmes que les hommes.
Le marché secondaire des montres, bien que dynamique, ajoute également une volatilité qui peut freiner certains acheteurs. Alors que des modèles emblématiques comme la Rolex Daytona ou la Patek Philippe Nautilus continuent de se vendre à des prix record, d’autres marques connaissent une baisse de leur valeur sur le marché de la revente, ce qui nuit à leur attractivité.
Des exemples concrets illustrent cette divergence. Cartier, par exemple, a généré plus de 6 milliards d’euros de revenus en 2024, dont une majorité provenant de ses collections joaillières emblématiques. Les montres, bien que populaires, représentent une fraction plus modeste de ses revenus. De son côté, Van Cleef & Arpels a enregistré une croissance à deux chiffres, en grande partie grâce à sa clientèle asiatique, qui représente désormais 40 % de ses ventes globales. En comparaison, Rolex, bien que toujours leader en horlogerie, a souffert d’une baisse des ventes en Asie, compensée par une forte demande en Europe et aux États-Unis.

Cette divergence entre joaillerie et horlogerie reflète des dynamiques structurelles profondément enracinées. La joaillerie, avec son attrait universel, sa valeur émotionnelle et son positionnement comme investissement, continue de séduire une clientèle mondiale diversifiée. L’horlogerie, bien que toujours prestigieuse, doit relever des défis spécifiques pour rester compétitive, notamment en s’adaptant aux nouvelles attentes des consommateurs et en innovant dans son marketing.
En conclusion, la surperformance de la joaillerie face à l’horlogerie en 2024 est le résultat d’une stratégie bien maîtrisée et d’une compréhension fine des attentes des consommateurs. Si l’horlogerie souhaite regagner du terrain, elle devra non seulement se réinventer, mais également trouver des moyens de captiver un public plus large tout en valorisant son savoir-faire unique.
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