
Cohiba aux lèvres, deux Rolex au poignet, un regard dur et impénétrable : Fidel Castro n’a jamais eu besoin de parler pour faire passer un message. Son simple port de montre suffisait parfois à dire l’essentiel. Sur plusieurs clichés capturés dans les années 60, le leader cubain apparaît avec deux montres Rolex parfaitement visibles à son poignet gauche. L’image est brutale, presque déconcertante. Deux montres de luxe, suisses, capitalistes, accrochées au bras d’un homme qui avait défié l’empire américain et juré fidélité au marxisme-léninisme. Que faisait donc Fidel Castro avec deux Rolex à la fois ? Était-ce un caprice ? Un détail d’ego ? Une nécessité militaire ? Ou bien — et c’est là toute la force du personnage — une construction parfaitement maîtrisée du symbole politique, habilement distillée à travers un objet aussi banal qu’une montre ?
Parmi toutes les hypothèses avancées, une seule résiste au temps par sa cohérence et son intelligence. Fidel Castro portait deux montres pour rester à la fois à l’heure de La Havane et à celle de Moscou. C’est-à-dire à l’heure de sa propre révolution, née à Cuba, enracinée dans les montagnes de la Sierra Maestra, et à l’heure de celle qui l’avait armé, financé et soutenu : la révolution soviétique. À une époque où le monde se découpe entre deux blocs, où les secondes peuvent précipiter l’histoire dans la guerre nucléaire, afficher deux fuseaux horaires n’a rien d’anodin. C’est un message sans mot, une stratégie silencieuse, une manière de dire à la fois : « Je suis indépendant » et « Je ne suis pas seul. » Fidel Castro, à travers ses montres, disait : « Cuba est avec l’URSS, mais Cuba reste Cuba. »

Ce choix n’est pas seulement politique. Il est esthétiquement pensé. Castro ne portait pas n’importe quelles montres. Il s’agissait de Rolex Submariner, de Day-Date, de GMT-Master. Des montres conçues pour les professionnels, les plongeurs, les hommes de pouvoir, les voyageurs entre les fuseaux. La Submariner symbolise la robustesse, l’endurance, l’action. La Day-Date représente la précision présidentielle, celle des décisions prises à la seconde. Et la GMT-Master, elle, contient tout en une seule pièce : deux
temps, deux mondes, deux pôles. Quand plus tard Castro ne portera plus qu’une seule montre, ce sera justement une GMT-Master référence 6542, puis 1675, deux modèles capables d’afficher simultanément l’heure de deux lieux différents. Il n’y avait alors plus besoin d’un double poignet. Tout tenait dans un seul boîtier. Toute sa pensée géopolitique, toute sa posture internationale, se trouvait encapsulée dans un garde-temps capable de regarder à la fois vers l’Est et vers les Caraïbes.

Dans ce détail se niche une leçon de politique. Tandis que les puissants enchaînent les discours, Fidel choisissait de parler avec des symboles. Il faisait du poignet un théâtre miniature où se jouait l’équilibre du monde. Deux montres pour deux hémisphères. Deux cadrans pour deux idéologies. Deux aiguilles pour deux révolutions. Puis une seule montre, mais capable d’englober l’ensemble. Voilà peut-être la meilleure définition de la diplomatie cubaine à l’ère castriste : ne jamais rompre le lien avec Moscou, sans jamais perdre la souveraineté de La Havane.
Aujourd’hui encore, cette image de Castro reste dans les esprits. Rolex et communisme ? Il y avait surement une bonne raison . Peut être qu’il les portait histoire de dire qu’il ne cherchait pas le prestige, mais qu’il maîtrisait le récit. Dans un monde où chaque seconde pouvait compter, il portait le temps au service de son idéologie. Et il le faisait avec une telle audace qu’on ne savait jamais s’il se moquait de l’Occident, s’il rendait hommage à la précision suisse, ou s’il menait tout simplement une guerre des signes — celle qu’on ne voit qu’après coup, quand les photos prennent leur sens.

Fidel Castro avait compris que le pouvoir ne s’exerce pas seulement par les armes ou les discours. Il s’inscrit aussi dans les objets, les gestes, les détails. En choisissant ses montres avec soin, il inscrivait son combat dans une dimension plus profonde, presque métaphysique : celle du temps. Il portait deux fuseaux parce qu’il portait deux fronts. Il affichait l’heure parce qu’il annonçait l’histoire.
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