L’industrie horlogère suisse, fleuron de l’économie nationale et symbole de savoir-faire artisanal, traverse une période de turbulence marquée par un franc suisse particulièrement fort. Si la qualité et la réputation des montres suisses restent incontestées, leur compétitivité sur les marchés internationaux est aujourd’hui mise à rude épreuve par la force de la devise helvétique. Ce phénomène, amplifié par des facteurs économiques mondiaux, soulève des défis majeurs pour l’ensemble du secteur, de ses grandes marques aux plus petites manufactures.
Historiquement considéré comme une monnaie refuge, le franc suisse tend à s’apprécier lors des périodes d’incertitude économique ou géopolitique. Les investisseurs se tournent vers cette devise en raison de la stabilité financière et politique de la Suisse, renforçant ainsi sa valeur. Cependant, cette tendance, si elle reflète la confiance dans l’économie suisse, a des conséquences directes sur les exportateurs.
Pour l’industrie horlogère, dont environ 95 % de la production est destinée à l’exportation, un franc suisse fort rend les montres plus coûteuses pour les consommateurs étrangers. Par exemple, un client en zone euro ou aux États-Unis doit payer plus cher en raison des fluctuations défavorables des taux de change, ce qui réduit leur capacité d’achat ou les incite à chercher des alternatives locales ou internationales.
La force du franc suisse a contribué au récent ralentissement des exportations horlogères. En septembre 2024, les exportations ont diminué de 12,4 %, marquant un coup d’arrêt pour un secteur qui avait connu une croissance solide ces dernières années. Les marchés asiatiques, en particulier, ont enregistré des baisses spectaculaires, avec une diminution de 49,7 % vers la Chine et de 34,6 % vers Hong Kong. Ces régions, autrefois moteurs de croissance, sont particulièrement sensibles aux variations de prix.
Pour les marques de milieu de gamme, qui opèrent déjà dans un segment très concurrentiel, l’appréciation du franc suisse complique encore davantage la tâche. Les consommateurs, notamment en Asie, tendent à privilégier des produits offrant un meilleur rapport qualité-prix, souvent issus d’autres marchés horlogers comme le Japon ou l’Allemagne.
La Convention patronale de l’industrie horlogère suisse (CPIH), qui représente les intérêts du secteur, a récemment appelé les autorités à prendre des mesures pour atténuer les effets de la force du franc suisse. Parmi les suggestions figurent :
- Une intervention de la Banque nationale suisse (BNS) pour stabiliser la devise.
- Des politiques fiscales ou tarifaires pour renforcer la compétitivité des exportateurs.
- Un soutien accru aux PME pour leur permettre de moderniser leurs outils de production et de réduire leurs coûts.
Cependant, la Banque nationale suisse reste prudente, insistant sur le fait que ses marges de manœuvre sont limitées face à une économie mondiale en ralentissement. De plus, une intervention trop agressive pourrait créer des déséquilibres économiques internes.
La force du franc suisse met en lumière un défi structurel pour l’industrie horlogère : comment rester compétitive tout en maintenant une production majoritairement locale et un positionnement haut de gamme ? Si le secteur a montré sa résilience à travers les crises passées, il doit désormais trouver un équilibre entre préservation de son héritage et adaptation à un environnement mondial de plus en plus complexe.
Dans l’immédiat, des solutions comme l’innovation, la diversification des marchés et une gestion prudente des coûts pourraient permettre à l’horlogerie suisse de traverser cette période difficile. Mais à long terme, une réflexion plus profonde sur les stratégies de prix et les mécanismes de soutien économique sera essentielle pour garantir la pérennité de ce pilier de l’économie suisse.
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